Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/70

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des rouages impitoyables et rigides de la machine universelle et implorent-ils en tremblant le secours de leur chef. C’est pourquoi Strauss laisse couler son « huile lénitive », c’est pourquoi il amène au bout d’une corde un Dieu égaré par la passion, c’est pourquoi il se met à jouer une fois le rôle tout à fait étrange d’un architecte métaphysicien. Il fait tout cela parce que ces braves gens ont peur et qu’il a peur lui-même, — et c’est alors que nous apercevons les limites de son courage, même vis-à-vis de ceux qu’il appelle « nous ». Car il n’ose pas leur dire loyalement : Je vous ai délivrés d’un Dieu qui aide et qui a pitié, l’ « univers » n’est qu’un « mécanisme » implacable, prenez garde à ne pas être écrasés par ses rouages ! Il n’en a pas le courage, il faut donc que la sorcière s’en mêle, je veux dire la métaphysique. Mais le philistin préfère la métaphysique de Strauss à la métaphysique chrétienne et l’idée d’un Dieu qui se trompe est plus sympathique que l’idée d’un Dieu qui fait des miracles. Car lui, le philistin, peut se tromper, mais il n’a jamais fait un miracle.

Pour la même raison, le philistin déteste le génie, car le génie possède, à juste titre, la réputation de faire des miracles. Et c’est pourquoi l’on trouvera très instructive la lecture d’un passage de notre auteur, le seul où il s’élève en défenseur audacieux du génie et, en général, de toutes les natures d’esprit aristocratique. Pourquoi donc cette