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HUMAIN, TROP HUMAIN


124.

Impeccabilité de l’homme. — Si l’on a compris comment « le péché est venu au monde », à savoir par des erreurs de la raison, en vertu desquelles les hommes se prennent réciproquement, bien plus, l’individu se prend lui-même, pour plus noir et méchant que ce n’est en effet le cas, toute la sensibilité est fort soulagée, et hommes et monde apparaissent de temps à autre dans une auréole d’innocence, au point qu’un homme peut s’y trouver foncièrement bien. L’homme est au milieu de la nature toujours l’enfant en soi. Cet enfant rêve sans doute parfois un pénible rêve angoissant, mais lorsqu’il ouvre les yeux, il se revoit toujours au paradis.

125.

Irréligiosité des artistes. — Homère est parmi ses dieux si bien chez lui et, en sa qualité de poète, se trouve avec eux si à l’aise qu’il faut absolument qu’il ait été foncièrement irréligieux ; avec la matière que lui proposait la croyance populaire, — une superstition sèche, grossière, en partie affreuse, — il se comportait d’une manière aussi libre que le sculpteur avec sa glaise, partant avec le même sans-gène que possédèrent Eschyle et Aristophane, et par où, dans les temps modernes, les grands