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HUMAIN, TROP HUMAIN



277.

Bonheur et culture. — La vue du milieu où s’est passée notre enfance nous touche : le jardin public, l’église avec les tombes, l’étang et le bois — sont choses que nous revoyons toujours avec émotion. La pitié de nous-mêmes nous saisit, car depuis, que nous avons traversé de souffrances ! Et là, chaque chose subsiste avec un air si calme, si éternel : nous seuls sommes si changés, si émus ; même nous retrouvons quelques hommes sur qui le temps n’a pas plus exercé sa dent que sur un chêne : paysans, pêcheurs, forestiers — ce sont les mêmes. — L’émotion, la pitié de soi-même en face de la culture inférieure est le signe de la culture supérieure ; d’où il suit que par elle le bonheur n’est dans tous les cas pas augmenté. Oui veut faire dans la vie une moisson de bonheur et de tranquillité n’a qu’à se détourner toujours des voies de la culture supérieure.

278.

Comparaison tirés de la danse. — De nos jours, il faut considérer comme le signe décisif de la grande culture qu’un homme possède assez de force et de souplesse pour être à la fois net et rigoureux dans la connaissance, et, en d’autres moments, capable de céder, pour ainsi dire, d’une centaine