Page:Nietzsche - Humain, trop humain (1ère partie).djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
HUMAIN, TROP HUMAIN

nous avons gardé le silence quand nous devions prendre la parole, parce qu’à l’occasion nous avons manqué à nous lever brusquement et quitter la partie, bref parce que nous nous sommes conduits dans cette compagnie comme si nous en étions.

352.

On est jugé à faux. — Celui qui est toujours aux écoutes sur les jugements qu’on fait de lui a toujours de la peine. Car nous sommes déjà jugés à faux par ceux qui nous tiennent du plus près (« nous connaissent le mieux »). Même de bons amis laissent dans une parole défavorable échapper leur désaccord ; et seraient-ils nos amis, s’ils nous connaissaient bien ? — Les jugements des indifférents font très mal, parce qu’ils ont un ton d’impartialité, presque impersonnel. Mais si nous nous apercevons que quelqu’un qui nous est hostile nous connaît, sur un point tenu secret, aussi bien que nous-mêmes, quel est alors notre dépit !

353.

Tyrannie du portrait. — Les artistes et les hommes d’État qui, rapidement, de traits isolés, composent l’image entière d’un homme ou d’un événement, sont surtout injustes parce qu’ils exigent ensuite que l’événement ou l’homme soit réellement tel qu’ils l’ont peint ; ils exigent tout bonnement qu’un homme ait bien les talents, l’as-