Félicité du mariage. — Toute habitude ourdit
autour de nous un réseau toujours plus solide de
fils d’araignée ; et aussitôt nous nous apercevons
que les fils sont devenus des lacs et que nous-mêmes
restons au milieu, comme une araignée qui s’y est
prise et doit vivre de son propre sang. C’est pourquoi l’esprit libre hait toutes les habitudes et les
règles, tout le durable et le définitif, c’est pourquoi
il recommence toujours, avec douleur, à rompre
autour de lui le réseau : quoiqu’il doive souffrir par
suite bien des blessures petites et grandes — car
c’est de lui-même, de son corps, de son âme, qu’il
doit arracher ces fils. Il lui faut apprendre à aimer,
là où il haïssait, et réciproquement. Même il ne doit
pas lui être impossible de semer les dents du dragon sur le champ même où il faisait naguère couler
les cornes d’abondance de sa bonté. — On peut de
là conclure s’il est fait pour la félicité du mariage.
Trop près. — À vivre trop près d’un homme, il nous arrive la même chose que si nous reprenons toujours une bonne gravure avec les doigts nus : un beau jour nous avons dans les mains un méchant papier sale et rien de plus. L’âme aussi d’un homme est usée par un contact continuel ; du moins elle finit par nous le paraître — nous ne