tirer de ce puits, sans prendre en aversion en même temps son passé jusqu’au fond, sans trouver
ses motifs présents, comme ceux de l’honneur, dépourvus de rime et de raison, sans opposer aux
passions qui poussent à l’avenir et à un bonheur
dans l’avenir, la raillerie et le mépris. Est-il vrai
qu’il ne reste plus qu’une seule manière de voir,
qui traîne après soi comme conclusion personnelle
le désespoir, comme conclusion théorique la dissolution, la séparation, l’anéantissement de soi-même ? Je crois que le coup décisif touchant l’action finale de la connaissance sera donné par le tempérament d’un homme ; je pourrais, aussi bien que
l’effet décrit et possible dans des natures isolées,
en imaginer un autre en vertu duquel naîtrait
une vie beaucoup plus simple, plus pure de passions que n’est l’actuelle : si bien que, d’abord
il est vrai, les anciens motifs de désir violent auraient encore de la force, par suite d’une habitude
héréditaire, mais peu à peu, sous l’influence de la
connaissance purificatrice, se feraient plus faibles.
On vivrait enfin parmi les hommes et avec soi
comme dans la nature, sans louanges, reproches, enthousiasme, se repaissant comme d’un spectacle de
beaucoup de choses dont jusque-là on ne pouvait
avoir que peur. On serait débarrassé de l’emphase
et l’on ne sentirait plus l’aiguillon de cette pensée,
que l’on n’est pas seulement nature ou qu’on est plus
que nature. À la vérité il y faudrait, comme j’ai dit,
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HUMAIN, TROP HUMAIN