pouvait ainsi se donner des consolations. La passion ne veut pas attendre ; le tragique dans la vie
des grands hommes réside souvent, non pas dans
leur conflit avec leur époque et la bassesse de leurs
contemporains, mais dans leur incapacité de remettre leur œuvre d’une année, de deux années ; ils
ne savent pas attendre.
— Dans tous les duels, les
amis qui donnent des conseils ont à s’assurer de ce
point unique, si les ayants cause peuvent encore
attendre : si cela n’est pas, un duel est raisonnable,
puisque chacun des deux se dit : « Ou je continuerai à vivre, et alors il faut que celui-là meure sur
le champ, ou inversement. » Attendre serait en pareil cas continuer encore à souffrir cet épouvantable martyre de l’honneur blessé en face de l’homme
qui le blesse ; et cela peut être vraiment plus de
souffrance que la vie en somme ne vaut.
Enivrement de vengeance. — Les hommes grossiers qui se sentent offensés ont coutume de mettre
aussi haut que possible le degré de l’offense et d’en
conter la cause en termes fort exagérés, rien que
pour avoir le droit de s’enivrer du sentiment de la
haine et de la vengeance une fois éveillé.
Valeur du ravalement. — Beaucoup d’hommes,