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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

l’individu et à l’ambition nationale — c’est-à-dire lorsque l’on commença à être forcé de se réjouir, — la duperie mensongère de la culture allemande naquit, cette culture qui avait honte de Kotzebue et qui mit en scène Sophocles, Calderon et même la continuation du Faust de Gœthe et qui, à cause de sa langue empâtée, de son estomac embarrassé, finit par ne plus savoir ce qui lui convient et ce qui l’ennuie. — Heureux ceux qui ont du goût, fût-ce même un mauvais goût ! — Et non seulement heureux, on ne peut aussi devenir sage que grâce à cette qualité ; c’est pourquoi les Grecs qui, en ces choses, étaient très subtils, désignèrent le sage par un mot, qui veut dire l’homme de goût et qu’ils appelèrent bonnement « goût » (sophia) la sagesse, l’artistique aussi bien que la philosophique.

171.

La musique, manifestation tardive de toute culture. — La musique, de tous les arts qui naissent généralement sur un terrain de culture particulier, avec des conditions sociales et politiques déterminées, apparaît comme la dernière de toutes les plantes, à l’automne et au moment du dépérissement de la culture dont elle fait partie : tandis que déjà sont visibles les premiers signes avant-coureurs d’un nouveau printemps. Il arrive même parfois que la musique résonne comme le langage d’une époque disparue, dans un monde nouveau et étonné, et qu’elle arrive trop tard. C’est seulement dans l’art des musiciens des Pays-Bas