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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

esprit s’est émoussé et ils se contentent de tout laisser passer sur leur tête, tout comme ils laissent tout passer sur la tête de leurs élèves. Ils ne sont pas éduqués eux-mêmes, comment devraient-ils enseigner ? Ils ne représentent pas un tronc puissant, rempli de sève qui pousse droit : celui qui voudra s’appuyer sur eux devra se contourner et se tordre et finir par paraître contrefait et tordu.

182.

Philosophes et artistes de l’époque. — La brutalité et la froideur, l’ardeur du désir et le cœur froid, — ce voisinage répugnant se retrouve dans le caractère de la haute société européenne d’aujourd’hui. C’est pourquoi l’artiste croit déjà atteindre un but très élevé, si, par son art, il fait une fois jaillir, à côté de l’ardeur du désir, la chaleur du cœur et, de même, le philosophe, si avec la tiédeur du cœur qu’il a en commun avec son époque, il arrive à faire refroidir aussi, par ses jugements ascétiques, la chaleur du désir qui l’anime, lui et cette société.

183.

Ce n’est pas sans peine que l’on est soldat de la culture. — Enfin, enfin l’on apprend ce dont l’ignorance vous causait un si grand tort au temps où l’on était jeune : qu’il faut d’abord faire ce qui est parfait et ensuite rechercher ce qui est parfait, quels que soient l’endroit où cette perfection se trouve et le nom sous lequel elle se cache ; que, par contre, il faut éviter tout ce qui est mauvais et médiocre