Origine et utilité de la mode. — Le contentement
visible qu’éprouve l’individu devant sa forme
excite l’esprit d’imitation et crée, peu à peu, la
forme du nombre, c’est-à-dire la mode : le grand
nombre veut arriver, par la mode, à ce bienfaisant
contentement de soi que procure la forme, et il y
parvient. — Si l’on se rend compte des raisons
que peut avoir chaque homme pour être craintif et
se cacher par timidité, si l’on considère que les
trois quarts de son énergie et de sa bonne volonté
peuvent être paralysés et stérilisés par ces raisons,
on devra beaucoup de reconnaissance à la mode,
dans la mesure où elle communiquera de la confiance
en soi et de la liberté d’allure réciproque à ceux
qui se savent liés entre eux à ses lois. Les lois
sottes, elles aussi, procurent la liberté et la tranquillité
d’esprit, pour peu que ce soit le grand
nombre qui s’y est soumis.
Délier la langue. — La valeur de certains hommes et de certains livres repose seule sur l’aptitude qu’ils ont de forcer chacun à exprimer ce qu’il a de plus caché et de plus intime : ce sont des coupe-brides et des leviers pour les bouches les plus muettes. Certains événements et certains méfaits, qui semblent n’exister que pour la malédiction de l’humanité, ont aussi cette valeur et ce but utile.