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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

passer pour jolie : c’est-à-dire que, dans quatre-vingt-dix-neuf cas où elle pourrait plaire, elle doit dédaigner de plaire et s’en empêcher, pour recueillir une seule fois le ravissement de celui dont l’âme est assez grande pour accueillir ce qui est grand.

293.

Incompréhensible, insupportable. — Un jeune homme ne peut pas comprendre que quelqu’un de plus âgé que lui ait déjà passé par ses ravissements, ses aurores de sentiments, ses tours de pensées et ses élévations : il s’offense déjà rien qu’à l’idée que tout ceci a pu exister deux fois, mais il prend une altitude tout à fait hostile lorsqu’on lui dit que l’on ne peut devenir fécond qu’à condition de perdre ces fleurs et de se passer de leur parfum.

294.

Le parti qui prend l’allure d’une victime. — Tout parti qui sait se donner l’allure d’une victime attire à lui le cœur des gens bienveillants et gagne ainsi lui-même l’allure de la bienveillance, — à son grand avantage.

295.

Affirmer vaut mieux que démontrer. — Une affirmation a plus de poids qu’un argument, du moins chez la plupart des hommes ; car l’argument éveille la méfiance. C’est pourquoi les orateurs populaires essayent d’assurer les arguments de leurs partis par des affirmations.