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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/228

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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

de nos métaphysiciens à l’égard du texte de la nature ; elle est même pire encore. Car pour apporter leurs explications profondes, ils commencent souvent par y conformer le texte : c’est-à-dire qu’ils le corrompent. Pour donner un exemple curieux de corruption du texte et d’obscurcissement de l’auteur rapportons ici les idées de Schopenhauer sur la grossesse des femmes. « L’indice de la persistance de vouloir-vivre dans le temps, dit-il, est le coït ; l’indice de la lueur de connaissance associée à ce vouloir, qui manifeste la possibilité de la délivrance, et cela au plus haut degré de clarté, est l’incarnation nouvelle du vouloir-vivre. Le signe de celle-ci est la grossesse, qui, par cette raison, s’avance franchement et librement, même fièrement, tandis que le coït se cache comme un criminel. » Il prétend que toute femme, si elle était surprise dans l’acte de génération, mourrait de honte, mais qu’« elle met en vue sa grossesse, sans une trace de honte, même avec une sorte d’orgueil ». Avant tout, cet état ne se laisse pas si facilement mettre en vue plutôt qu’il ne se met en vue lui-même, mais Schopenhauer, en ne relevant justement que la préméditation de cette mise en vue, se prépare son texte pour qu’il s’accorde à l’« explication » déjà préparée. Puis ce qu’il dit de la généralité du phénomène à expliquer n’est pas vrai : il parle de « toute femme » ; mais beaucoup, notamment les jeunes femmes, montrent souvent en cet état une pénible honte, même vis-à-vis de leurs plus proches parents ; et si des femmes d’un âge plus mûr, et de l’âge le plus mûr, surtout des femmes du bas peuple, trouvent,