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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/251

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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE



38.

Le remords. — Le remords est, comme la morsure d’un chien sur une pierre, une bêtise.

39.

Origine des privilèges. — Les privilèges remontent généralement à un usage, l’usage à une convention momentanément établie. Il vous arrive une fois ou l’autre d’être satisfait, des deux parts, des conséquences qui résultent d’une convention intervenue, et d’être aussi trop paresseux pour renouveller formellement cette convention ; on continue ainsi à vivre comme si celle-ci avait toujours été renouvelée, et peu à peu, lorsque l’oubli a jeté son voile sur l’origine, on croit posséder un édifice sacré et inébranlable, sur quoi chaque génération continue forcément à bâtir. L’usage est alors devenu une contrainte, lors même qu’il n’aurait plus l’utilité que l’on envisageait primitivement au moment où fut établie la convention. — Les faibles ont trouvé là de tous les temps leur solide rempart : ils penchent à éterniser la convention acceptée une fois, la grâce qu’on leur a faite.

40.

La signification de l’oubli dans le sentiment moral. — Les mêmes actions, inspirées d’abord dans la société primitive par l’utilité générale, ont été attribuées plus tard, par d’autres générations, à d’autres motifs : parce que l’on craignait et vénérait ceux qui exigeaient et recommandaient ces actes, ou par habitude parce que, dès son enfance, on