Aller au contenu

Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

de notre jeunesse, nous a été demandée régulièrement et sans raison, par des personnes que nous vénérions et craignions. C’est donc de la conscience que vient ce sentiment d’obligation (« il faut que je fasse telle chose, que je ne fasse pas telle autre ») qui ne demande pas pourquoi il faut qu’il en soit ainsi. — Dans tous les cas où une chose est faite avec « pourquoi » et « parce que », l’homme agit sans conscience ; mais ce n’est pas encore une raison pour qu’il agisse contre sa conscience. — La foi en l’autorité est la source de la conscience : celle-ci n’est donc pas la voix de Dieu dans la poitrine de l’homme, mais la voix de quelques hommes dans l’homme.

53.

Les passions surmontées. — L’homme qui a surmonté ses passions est entré en possession du sol le plus fécond : de même que le colon qui s’est rendu maître des forêts et des marécages. Semer sur le terrain des passions vaincues la semence des bonnes œuvres spirituelles, c’est alors la tâche la plus urgente et la plus prochaine. Surmonter n’est là qu’un moyen, ce n’est pas un but ; si l’on envisage autrement cette victoire, toutes sortes de mauvaises herbes et de diableries se mettent à foisonner sur le sol fécond mis ainsi en friche, et bientôt tout cela se met à pousser et à se pousser avec plus d’impétuosité encore que précédemment.

54.

L’habileté à servir. — Tous les gens que l’on