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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

que, ce qui, pour lui, serait vraiment désirable. Ces deux conditions, acceptées et transmises par toutes les autres religions, ont précisément été niées par le christianisme ; si, malgré cela, le christianisme a conservé la prière, parallèlement à la foi en une raison omnisciente et prévoyante de Dieu, par quoi en somme la prière perd sa portée et devient même blasphématoire, — il montre par là, encore une fois, l’admirable ruse de serpent dont il disposait. Car un commandement clair « tu ne prieras point » aurait poussé les chrétiens par ennui à l’impiété. Dans l’axiome chrétien « ora et labora », l’ora remplace le plaisir : et que seraient devenus sans l’ora ces malheureux qui se refusaient le labora, les saints ! — Mais s’entretenir avec Dieu, lui demander mille choses agréables, s’amuser un peu soi-même en s’apercevant que l’on pouvait encore avoir des désirs, malgré un père aussi parfait, — c’était là pour des saints une excellente invention.

75.

Un saint mensonge. — Le mensonge qu’eut sur les lèvres Arrie mourante (Pœte, non dolet) obscurcit toutes les vérités qui ont jamais été dites par des mourants. C’est le seul saint mensonge qui soit devenu célèbre ; tandis que d’autre part l’odeur de sainteté ne s’était attachée qu’à des erreurs.

76.

L’apôtre le plus nécessaire. — Parmi douze apôtres, il faut toujours qu’il y en ait un qui soit