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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

« sentimentalité », cette sentimentalité qui, comme je l’ai indiqué, est le principal élément de bonheur dans la musique, pour tout homme qui ne prend pas plaisir à cet art purement en artiste.

169.

En amis de la musique. — En fin de compte, nous continuons à aimer la musique comme nous aimons le clair de lune. Tous deux ne veulent pas remplacer le soleil, — mais seulement illuminer nos nuits tant bien que mal. Mais n’est-ce pas ? nous avons quand même le droit d’en rire et de plaisanter à leur sujet ? Un peu du moins ? Et de temps en temps ? Sur l’homme dans la lune ? Sur la femme dans la musique !

170.

L’art dans le temps réservé au travail. — Nous possédons la conscience d’une époque laborieuse : cela ne nous permet pas de réserver à l’art les meilleures heures et les meilleurs matins, quand même cet art serait le plus grand et le plus digne. Il est à nos yeux affaire de loisir, de récréation : nous lui vouons les restes de notre temps, de nos forces. — C’est là le fait principal qui a changé la situation de l’art vis-à-vis de la vie : lorsque l’art fait appel aux réceptifs par de grandes exigences de temps et de force, il a contre lui la conscience des laborieux et des hommes capables, il en est réduit aux gens indolents et sans conscience qui, de par leur nature, ne sont précisément pas portés vers le grand art et qui considèrent les pré-