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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

de la vie sont ces moments d’arrêt entre la montée et la descente d’une idée dominante ou d’un sentiment directeur. On éprouve de nouveau de la satiété : tout le reste est soif et faim — ou dégoût.

194.

Le rêve. — Nos rêves sont, pour le cas où, par exception, ils se poursuivent une fois et s’achèvent — généralement le rêve est un bousillage, — des enchaînements symbolique de scènes et d’images, en lieu et place du récit en langue littéraire. Ils modifient les événements, les conditions et les espoirs de notre vie, avec une audace et une prévision poétique qui nous étonnent toujours le matin lorsque nous nous en souvenons. Nous gaspillons trop notre sens artistique durant notre sommeil et c’est pourquoi le jour nous en sommes souvent si pauvres.

195.

Nature et science — De même que dans la nature, dans la science ce sont aussi les terrains les plus mauvais et les plus inféconds qui sont défrichés les premiers, — parce que les moyens que possède la science commençante suffisent à peu près à cela. L’exploitation des domaines les plus féconds a pour condition une force énorme et soigneusement développée dans les méthodes, des résultats particuliers déjà acquis et une équipe d’ouvriers organisés et bien dressés — et l’on ne trouve tout cela réuni que très tard. — L’impatience et l’ambition s’emparent souvent trop tôt de ces domaines très