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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

L’Ancien : Ami ! ami ! Tes paroles elles aussi sont les paroles d’un fanatique ! — Pyrrhon : Tu as raison ! je veux être méfiant à l’égard de toutes les paroles. — L’Ancien : Alors il faudra que tu te taises. — Pyrrhon : Je dirai aux hommes qu’il faut que je me taise et qu’ils doivent se méfier de mon silence. — L’Ancien : Tu renonces donc à ton entreprise ? — Pyrrhon : Au contraire — tu viens de m’indiquer la porte par où il me faut entrer. — L’Ancien : Je ne sais pas trop si nous nous comprenons encore parfaitement ? — Pyrrhon : Probablement non. — L’Ancien : Pourvu que tu te comprennes bien toi-même ! — Pyrrhon : se retourne en riant. — L’Ancien : Hélas ! mon ami ! Se taire et rire — est-ce là maintenant toute ta philosophie ? — Pyrrhon : Ce ne serait pas la plus mauvaise. —

214.

Livres européens. — Quand on lit Montaigne, La Rochefoucauld, La Bruyère, Fontenelle (particulièrement les Dialogues des Morts), Vauvenargues, Chamfort, on est plus près de l’antiquité qu’avec n’importe quel groupe de six auteurs d’un autre peuple. Par ces six écrivains l’esprit des derniers siècles de l’ère ancienne a revécu à nouveau, — réunis ils forment un chaînon important dans la grande chaîne continue de la Renaissance. Leurs livres s’élèvent au-dessus du changement dans le goût national et des nuances philosophiques, où chaque livre croit devoir scintiller maintenant pour devenir célèbre ; ils contiennent plus d’idées véri-