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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

les fils, de telle sorte que les choses comprises deviennent incompréhensibles. Quoiqu’il advienne, les mailles et les tissus auront toujours l’air un peu malpropres, parce que trop de mains y travaillent et arrachent les fils.

31.

Dans le désert de la science. — À l’homme scientifique apparaissent, durant ses marches humbles et pénibles qui sont, hélas ! fort souvent des marches à travers le désert, ces merveilleux mirages que l’on appelle « systèmes philosophiques » : ils montrent, à portée de la main, avec la force magique de l’illusion, la solution de toutes les énigmes et la coupe rafraîchissante de la véritable boisson de vie ; le cœur palpite de joie et l’homme fatigué touche déjà presque des lèvres la récompense de sa peine et de sa persévérance scientifiques, en sorte qu’il va presque involontairement, toujours de l’avant. Il est vrai que certaines natures s’arrêtent comme étourdies par le beau mirage : alors le désert les engloutit et elles sont mortes pour la science. D’autres natures encore, celles qui ont souvent fait l’expérience de ces consolations subjectives, sont prises d’un extrême découragement et maudissent le goût de sel que ces apparitions laissent à la bouche et d’où il résulte une soif ardente — sans que seulement un pas vous rapproche d’une source quelconque.

32.

La prétendue « vérité vraie ». — Le poète fait