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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



229.

Ceux qui s’enterrent. — Nous nous retirons à l’écart, non point peut-être pour quelque raison de mauvaise humeur personnelle, comme si nous n’étions point satisfaits des conditions politiques et sociales du présent, mais bien plutôt pour économiser et amasser, par notre retraite, des forces dont la culture aura plus tard absolument besoin, et cela dans la mesure où le présent d’aujourd’hui sera ce présent et, comme tel, accomplira sa tâche. Nous formons un capital et nous cherchons à le mettre à l’abri, mais de même qu’à des époques tout à fait dangereuses, en l’enfouissant sous terre.

230.

Tyrans de l’esprit. — À notre époque, tout individu qui serait l’expression d’un seul trait moral, aussi nettement que le sont les personnages de Théophraste et de Molière, passerait pour malade et serait accusé d’avoir une « idée fixe ». L’Athènes du troisième siècle, si nous pouvions nous y rendre, nous semblerait habitée par des fous. Aujourd’hui règne, dans chaque cerveau, la démocratie des idées, — plusieurs idées y sont ensemble le maître ; si une seule idée voulait dominer, on l’appellerait « idée fixe ». C’est là notre façon de tuer les tyrans, — nous évoquons la maison d’aliénés.

231.

L’émigration la plus dangereuse. — En Russie,