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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/371

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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

Pour se consoler, celui qui est ainsi calomnié peut se dire : les calomnies sont des maladies des autres qui éclatent sur ton propre corps ; elles démontrent que la société est un seul organisme (moral), de sorte que tu peux entreprendre sur toi-même la cure qui doit être utile aux autres.

265.

Le ciel des enfants. — Le bonheur des enfants est un mythe tout aussi bien que le bonheur des hyperboréens dont parlent les Grecs. Si vraiment le bonheur habite sur la terre, se disaient ceux-ci, ce doit être certainement aussi loin que possible de nous, peut-être là-bas, aux confins de la terre. Les hommes d’un certain âge pensent de même : si vraiment l’homme peut être heureux, c’est certainement aussi loin que possible de notre âge, aux limites et au début de la vie. Pour certains hommes l’aspect de l’enfant, à travers le voile de ce mythe, est la plus grande joie qu’il puisse avoir : il entre lui-même sous les parvis du ciel en disant : « Laissez venir à moi les petits enfants, car c’est à eux qu’appartient le royaume des cieux. » — Le mythe du ciel des enfants a cours, d’une façon ou d’une autre, partout où il y a dans le monde moderne quelque chose comme de la sentimentalité.

266.

Les impatients. — C’est justement celui qui est dans son devenir qui ne veut pas admettre le devenir : il est trop impatient pour cela. Le jeune homme ne veut pas attendre jusqu’à ce que, après