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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

de longues études, des souffrances et des privations, son image des hommes et des choses devienne complète : il accepte donc de confiance une autre image entièrement terminée et qu’on lui offre, il l’accepte, comme s’il y trouvait d’avance les lignes et les couleurs de son tableau ; il se jette à la face d’un philosophe, d’un poète, et pendant longtemps il faut qu’il fasse des corvées et qu’il se renie lui-même. Il apprend ainsi beaucoup de choses, mais souvent il y oublie aussi ce qui est le plus digne d’être appris — la connaissance de soi-même ; il reste par conséquent un partisan durant toute sa vie. Hélas ! il faut surmonter beaucoup d’ennui et travailler à la sueur de son front jusqu’à ce que l’on ait trouvé ses couleurs, son pinceau, sa toile ! — Et l’on est encore bien loin alors d’être maître de son art de vivre, — mais on travaille du moins, en maître, dans son propre atelier.

267.

Il n’y a pas d’éducateurs. — En tant que penseur on ne devrait parler que d’éducation de soi. L’éducation de la jeunesse dirigée par les autres est, soit une expérience entreprise sur quelque chose d’inconnu et d’inconnaissable, soit un nivellement par principe, pour rendre l’être nouveau, quel qu’il soit, conforme aux habitudes et aux usages régnants : dans les deux cas, c’est quelque chose qui est indigne du penseur, c’est l’œuvre des parents et de pédagogues qu’un homme loyal et audacieux a appelés nos ennemis naturels. — Lorsque depuis longtemps on est éduqué selon les opinions du