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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/373

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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

monde, on finit un jour par se découvrir soi-même : alors commence la tâche du penseur, alors il est temps de demander son aide — non point comme éducateur, mais comme quelqu’un qui s’est élevé lui-même et qui a de l’expérience.

268.

Compassion pour la jeunesse. — Nous sommes peinés d’apprendre qu’un jeune homme perd déjà ses dents ou qu’un autre commence à devenir aveugle. Si nous savions tout ce qu’il y a d’irrétractable et de désespéré dans toute sa nature, combien plus grande encore serait notre peine ! — Pourquoi tout cela nous fait-il souffrir ? Parce que la jeunesse doit continuer ce que nous avons entrepris et que la moindre atteinte à sa force portera préjudice à notre œuvre lorsqu’elle tombera entre ses mains. C’est la peine que nous fait la garantie insuffisante de notre immortalité : ou bien, pour le cas où nous ne nous considérerions que comme les exécuteurs de la mission humaine, la peine de voir que cette mission doit passer en des mains plus faibles que les nôtres.

269.

Les âges de la vie. — La comparaison des quatre saisons avec les quatre âges de la vie est une vénérable niaiserie. La première vingtaine d’années de la vie, pas plus que la dernière vingtaine, ne répond à une saison : à moins que l’on ne se contente de cette métaphore qui compare la couleur blanche des cheveux et celle de la neige,