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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

doutes au sujet des limites de la connaissance, tous les excès du scepticisme, pour draper autour des choses le voile de l’incertitude : afin que, après qu’ils ont accompli cet obscurcissement, l’on interprète, sans hésitation, leurs tours de magie et leurs évocations comme la voie de la « vérité vraie ») de la « réalité réelle ».

33.

Vouloir être juste et vouloir être juge. — Schopenhauer, dont la grande expérience dans les choses humaines et trop humaines, dont le sens instinctif des faits ont été plus ou moins entravés par la peau de léopard de sa métaphysique (cette peau qu’il faut d’abord lui enlever, pour découvrir en-dessous un véritable génie de moraliste) : Schopenhauer, dis-je, fait cette excellente distinction qui lui donnera raison bien plus qu’il n’osait se l’avouer à lui-même : « La connaissance de la sévère nécessité des actes humains est la ligne qui sépare les cerveaux philosophiques des autres. » Il entrava lui-même cette compréhension profonde qu’il s’ouvrit une fois, par ce préjugé commun aux hommes moraux (non point aux moralistes) et qu’il exprime ainsi, sur un ton candide et fervent : « L’éclaircissement ultime et véritable sur le sens intime de l’ensemble des choses est nécessairement en étroite corrélation avec la signification éthique des actes humains. » — Cette nécessité ne saute nullement aux yeux : bien au contraire, elle est réfutée par cet axiome de la sévère nécessité des actions humaines, c’est-à-dire de l’absolue contrainte et