tel. » À cette époque, je me rendis maître de tout ce qu’il y
avait en moi de « pessimiste » ; la volonté même de la santé,
le cabotinage furent mes remèdes. Ce que je considérais alors
comme de la santé, ce que je voulais, est assez bien exprimé
et révélé par ces phrases : « Une âme solide, douce et joyeuse
au fond, un état d’esprit qui n’a pas besoin de se garder des
perfidies et des éclats soudains et qui, dans ses manifestations,
n’a rien du ton grondeur et de l’irritation qui sont les
qualités particulières et désagréables des vieux chiens et des
hommes qui ont longtemps été enchaînés. » — La condition
la plus désirable me semblait être « ce balancement libre et
sans crainte au-dessus des hommes, des mœurs, des lois et
des appréciations traditionnelles des choses ». — C’était, en
effet, une espèce d’indépendance d’oiseau, de coup d’œil d’oiseau,
curiosité et mépris, tout à la fois, tels que les connaît
celui qui, sans y être mêlé, jette un regard sur un grand
nombre de choses — je parvins à cette nouvelle condition et
je la supportai longtemps. « Un esprit libre » — ce mot froid
fait du bien en cet état, il réchauffe presque ; l’homme est
devenu le contraire de ceux qui s’occupent de choses qui ne
les regardent pas ; l’esprit libre s’intéressait à beaucoup de
choses qui ne le « préoccupent » plus.
Le résultat personnel de tout cela, ce fut, ainsi que je le dénommai, la négation logique du monde : je veux dire la conviction que le monde qui nous regarde de quelque façon est faux. « Ce n’est pas le monde en tant que chose en soi — celui-ci est vide, vide de sens et digne d’un rire homérique ! — c’est le monde en tant qu’erreur qui est si riche en signification, si profond, si merveilleux, portant dans son sein le bonheur et le malheur » : voilà ce que j’ai décrété alors. — La « victoire sur la métaphysique », qui est « affaire de la plus haute tension dans la réflexion humaine », était à mes yeux