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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



68.

Défaut de la pitié. — La pitié est accompagnée d’une insolence particulière : elle voudrait aider à tout prix, ce qui fait qu’elle ne s’embarrasse ni du remède ni du genre et de l’origine de la maladie, elle drogue courageusement sur la santé et la réputation de son malade.

69.

Indiscrétion. — Il y a aussi une sorte d’indiscrétion à l’égard des œuvres, et c’est une preuve d’un manque absolu de pudeur si, dès son jeune âge, on veut se mêler en imitateur aux œuvres les plus sublimes de tous les temps, avec la familiarité du tu et du toi. — D’autres ne sont importuns que par ignorance : ils ne savent pas à qui ils ont affaire — c’est assez souvent le cas des philologues, jeunes et vieux, dans leurs rapports avec les œuvres des Grecs.

70.

La volonté a honte de l’intellect. — Nous faisons froidement les plans les plus raisonnables contre nos passions : mais nous commettons ensuite les plus graves fautes, parce que, souvent, au moment où le projet devrait être exécuté, nous avons honte de la froideur et de la circonspection que nous avons mis à le concevoir. On fait alors justement ce qui est déraisonnable, à cause de cette façon de générosité altière que toute passion amène avec elle.