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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES



71.

Pourquoi les sceptiques déplaisent à la morale. — Celui qui place très haut sa moralité et la prend très au sérieux, en veut à celui qui est sceptique sur le domaine de la morale : car quand il met toute sa force en jeu on doit s’extasier, et non point examiner et douter. — Il y a encore des natures chez qui tout ce qui reste de moralité est précisément la foi en la morale : celles-ci se comportent de la même façon à l’égard des sceptiques, au besoin avec plus de passion encore.

72.

Timidité. — Tous les moralistes sont timides, parce qu’ils savent qu’ils sont confondus avec les espions et les traîtres, dès que l’on remarque leur penchant ; ils ont, de plus, conscience que, d’une façon générale, ils sont faibles dans l’action : car, au milieu de leur œuvre, les motifs qui les poussent à agir détournent presque entièrement leur attention de l’œuvre.

73.

Un danger pour la moralité universelle. — Les hommes qui sont à la fois nobles et loyaux parviennent à diviniser la moindre diablerie que leur honnêteté fait éclore, et à faire s’arrêter, pour un moment, la balance du jugement moral.

74.

L’erreur la plus amère. — On est irréconcilia-