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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/64

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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

demi-paresse) quand une fois on s’y est habitué ! Les sens font à un monde déchristianisé l’objection qu’il y faudrait trop travailler et que l’on ne bénéficierait pas d’assez de loisirs : ils prennent le parti de la magie, c’est-à-dire qu’ils préfèrent — laisser à Dieu le soin de travailler pour eux (oremus nos ! deus laborabit !)

98.

Historisme et bonne foi des incrédules. — Il n’y a pas de livre qui contienne avec plus d’abondance, qui exprime avec plus de candeur ce qui peut faire du bien à tous les hommes — la ferveur bienheureuse et exaltée, prête au sacrifice et à la mort, dans la foi et la contemplation de sa « vérité » — que le livre qui parle du Christ : un homme avisé peut y apprendre tous les moyens par quoi l’on peut faire d’un livre un livre universel, l’ami de tout le monde et avant tout le maître-moyen de présenter toutes choses comme trouvées et de ne pas admettre que quelque chose soit encore imparfait et en formation. Tous les livres à effet tentent à laisser une impression semblable, comme si l’on avait ainsi décrit le plus vaste horizon intellectuel et moral, comme si toute constellation visible, présente ou future, devait tourner autour du soleil que l’on voyait luire. — La raison qui fait que de pareils livres sont pleins d’effets ne doit-elle pas rendre d’une faible portée tout livre purement scientifique ? Celui-ci n’est-il pas condamné à vivre obscurément parmi les gens obscurs, pour être enfin crucifié, pour ne jamais plus ressusciter. Comparés à ce que les