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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES

son art sera de nouveau proche. Mais cela peut finir en tragédie ou en comédie.

101.

Ce qui est le détour vers le beau. — Si le beau est identique à ce qui réjouit — et c’est ce que chantaient jadis les muses —, l’utile est le détour souvent nécessaire, vers le beau, et il peut repousser le blâme à vue courte des hommes du moment qui ne veulent pas attendre et qui croient parvenir à tout ce qui est bien, sans détour.

102.

Pour excuser mainte faute. — Le désir incessant de créer, propre à l’artiste, et son besoin de quêter l’extérieur, l’empêchent de devenir plus beau et meilleur dans sa personne, c’est-à-dire de se créer lui-même — à moins que son ambition ne soit assez grande pour le forcer à se montrer toujours, dans ses rapports avec les autres, l’égal de la beauté grandissante et de la sublimité de son œuvre. Dans tous les cas il ne possède qu’une mesure déterminée de forces : ce qu’il en emploie pour sa propre personne, — comment pourrait-il en faire bénéficier son œuvre ? — Et vice versa.

103.

Satisfaire les meilleurs. — Si, au moyen de son art, on a « satisfait les meilleurs de son époque », on peut prévoir que, par le même art, on ne satisfera pas les meilleurs des époques suivantes : il est vrai que l’on aura « vécu pour tous les