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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/85

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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES

cela. Mais l’enthousiaste porte sa bosse avec joie et fierté : c’est une consolation de savoir que, par le héros, le bonheur a augmenté dans le monde.

133.

Le manque de conscience esthétique. — Dans une école d’art, les véritables fanatiques sont ces natures complètement inartistiques qui n’ont pas pénétré même dans les éléments de l’esthétique et du savoir-faire, mais qui sont empoignées violemment par les effets élémentaires d’un art. Pour elles il n’y a point de conscience esthétique — et, par conséquent il n’y a rien qui pourrait les détourner du fanatisme.

134.

Comment l’âme doit se mouvoir d’après la musique nouvelle. — L’intention artistique que poursuit la musique nouvelle dans ce que l’on désigne aujourd’hui d’un terme fort, mais sans précision, par « mélodie infinie » peut être comprise clairement, si l’on descend dans la mer, perdant peu à peu l’assurance de la marche sur le fond incliné, pour s’abandonner enfin à la merci de l’élément agité : on est forcé de nager. La musique ancienne, celle que l’on faisait jusqu’à présent, dans un va et vient, tantôt maniéré, tantôt solennel, tantôt fougueux, allant soit plus vite soit plus lentement, vous forçait à danser : tandis que la mesure nécessaire, l’observation de certains degrés équivalents de temps et de force, exigeaient, dans l’âme de l’auditeur, une continuelle circonspection : le charme de cette mu-