Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
98
HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



163.

Tout commencement est danger. — Le poète a le choix, ou d’élever le sentiment d’un degré à l’autre et de le hausser ainsi très considérablement — ou d’essayer d’agir par surprise et de tirer, dès le début, très fortement à la cloche. Les deux choses sont dangereuses : dans le premier cas l’ennui fera peut-être prendre la fuite à l’auditeur, dans le second cas la peur.

164.

En faveur des critiques. — Les insectes piquent, non par méchanceté, mais parce que, eux aussi, veulent vivre : il en est de même des critiques ; ils veulent notre sang et non pas notre douleur.

165.

Succès des sentences. — Les gens inexpérimentés croient toujours que du moment qu’une sentence leur paraît évidente à première vue, par sa vérité simple, cette sentence est vieille et connue, et ils se prennent à en regarder l’auteur de travers, comme s’il avait voulu voler le bien commun de tous : tandis que, lorsqu’ils entendent des demi-vérités bien épicées, ils s’en réjouissent et font connaître leur joie à l’auteur. Celui-ci sait apprécier une pareille indication et devine facilement ce qui lui a réussi et ce qu’il a mal fait.