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Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/97

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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES



160.

Avantage pour les adversaires. — Un livre plein d’esprit en communique aussi à ses adversaires.

161.

Jeunesse et critique. — Critiquer un livre — chez les jeunes gens, c’est seulement tenir à distance toutes les idées productives de ce livre et se défendre contre elles des pieds et des mains. Le jeune homme vit sur la défensive à l’égard de tout ce qui est nouveau, lorsqu’il ne peut pas l’aimer en bloc, ce qui lui fait chaque fois, et tant qu’il peut, commettre un crime inutile.

162.

Effet de la quantité. — Le plus grand paradoxe dans l’histoire de la poésie, c’est d’affirmer qu’un homme peut être un barbare dans tout ce qui faisait la grandeur des poètes anciens — un barbare, c’est-à-dire un être défectueux et contrefait de pied en cap, et demeurer quand même le plus grand poète. C’est le cas de Shakespeare qui, mis en parallèle avec Sophocle, ressemble à une mine inépuisable d’or, de plomb et d’éboulis, en face d’un trésor d’or pur, d’or d’une qualité si précieuse qu’il fait presque oublier sa valeur en tant que métal. Mais la quantité, à sa plus haute puissance, agit comme qualité — et c’est ce dont Shakespeare profite.