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Page:Nietzsche - L’Origine de la Tragédie.djvu/122

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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

proie à une inquiétude particulière, préoccupé qu’il était de résoudre le problème des événements antérieurs, de sorte que les beautés poétiques et le pathétique de l’exposition étaient perdus pour lui. C’est pourquoi, avant l’exposition, il plaça le prologue et le fit réciter par un personnage en qui on pouvait avoir confiance : un dieu devait souvent se porter, pour ainsi dire, garant devant le public des événements de la tragédie et lever tous les doutes sur la réalité du mythe ; procédé analogue à celui à l’aide duquel Descartes arrivait à prouver la réalité du monde empirique, en en appelant uniquement à la véracité de Dieu incapable de mentir. Cette véracité divine, Euripide l’emploie encore une fois à la fin de son drame, pour informer le public, en toute certitude, des destinées futures de ses héros ; ceci est le rôle du fameux deus ex machina. Entre la vision épique du passé et celle de l’avenir se trouve le présent dramatico-lyrique, le véritable « Drame ».

En tant que poète, Euripide est ainsi avant tout l’écho de ses constatations conscientes, et c’est là ce qui lui confère une place mémorable dans l’histoire de l’art grec. Le caractère critique de son activité productrice devait lui sembler souvent une application au drame de ce début du livre d’Anaxagore : « Au commencement était le chaos ; alors la raison vint et créa l’ordre. » Et si Anaxagore, avec son « νοῦς », peut être considéré, parmi les