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Page:Nietzsche - L’Origine de la Tragédie.djvu/161

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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

constatation de ces analogies, nous sommes alors déchus à un état d’esprit où il nous est impossible de recevoir l’impression du mythique ; car le mythe veut être ressenti par la perception en tant que symbole unique d’une généralité et vérité immuable au plus profond de l’infini. La musique véritablement dionysienne nous apparaît comme ce miroir universel de la Volonté du monde. Cet épisode perceptible, dont l’image se réfracte dans ce miroir, grandit aussitôt dans notre sentiment jusqu’à l’expression parfaite d’une vérité éternelle. Au contraire, un épisode de ce genre est immédiatement démuni de son caractère mythique par la peinture musicale du nouveau dithyrambe ; ici la musique aboutit à une mesquine imitation de l’apparence, qui la rend plus misérable, infiniment, que l’apparence elle-même ; et cette pauvreté de la musique ravale à ce point le rôle de l’apparence sur notre sentiment, que, par exemple, une bataille, imitée musicalement de la sorte, s’épuise en bruits de marche, en sonneries caractéristiques, etc., et que ce sont justement ces choses superficielles qui attirent notre attention et retiennent notre esprit. La peinture musicale est donc à tout égard la parodie de la puissance de création mythique de la vraie musique ; par elle, l’apparence est encore amoindrie, alors que la musique dionysienne élève et amplifie l’apparence isolée jusqu’à en faire un symbole universel. Ce fut une éclatante victoire