Page:Nietzsche - L’Origine de la Tragédie.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
172
L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

héroïque et bonne qui, dès qu’elle agit, obéit à un instinct artistique naturel, qui, dès qu’elle parle, chante pour le moins un peu, et chante soudain à pleine voix sous l’influence de la plus légère émotion. Peu nous importe aujourd’hui qu’au moyen de cette image reconstituée de l’être paradisiaque, de l’artiste de l’âge d’or, les humanistes de l’époque aient combattu l’antique conception théologique de l’homme prédestiné en soi au mal et à la damnation : ce qui confère à l’opéra la valeur d’une doctrine d’opposition, le sens d’un dogme de l’homme bon, mais lui accorde aussi la vertu d’un réconfort tutélaire contre le pessimisme auquel étaient entraînés spécialement et le plus fortement les esprits sérieux de ce temps, au milieu de l’épouvantable et universelle insécurité de l’existence. Il nous suffit d’avoir reconnu que le charme propre et, par conséquent, le développement de cette forme d’art nouvelle, résulte de la satisfaction d’une aspiration absolument inesthétique, de la glorification optimiste de l’homme en soi, de la conception de l’homme primitif comme l’homme naturellement artiste et bon. Ce principe fondamental de l’opéra s’est transformé peu à peu en une menaçante et terrible exigence qu’il nous est impossible de dédaigner en présence des mouvements socialistes contemporains. « L’homme primitif bon » réclame ses droits : quelles perspectives paradisiaques !

Je veux ajouter encore une confirmation non