Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/152

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le « père », l’ancêtre et le principe du monde), il se plante au beau milieu de l’antithèse entre « Dieu » et le « diable », il jette hors de lui-même toutes les négations, tout ce qui le pousse à se nier soi-même, à nier la nature, le naturel, la réalité de son être pour en faire l’affirmation de quelque chose de réel, de vivant, de véritable, Dieu, Dieu saint, Dieu juste, Dieu bourreau, l’Au-delà, le supplice infini, l’enfer, la grandeur incommensurable de la punition et de la faute. C’est là une espèce de démence de volonté dans la cruauté psychique, dont à coup sûr on ne trouvera pas d’équivalent : cette volonté de l’homme à se trouver coupable et réprouvé jusqu’à rendre l’expiation impossible, sa volonté de se voir châtié sans que jamais le châtiment puisse être l’équivalent de la faute, sa volonté d’infester et d’empoisonner le sens le plus profond des choses par le problème de la punition et de la faute, pour se couper une fois pour toutes la sortie de ce labyrinthe d’ « idées fixes », sa volonté enfin d’ériger un idéal — celui du « Dieu très saint » — pour bien se rendre compte en présence de cet idéal de son absolue indignité propre. Ô triste et folle bête humaine ! À quelles imaginations bizarres et contre nature, à quel paroxysme de démence, à quelle bestialité de l’idée