Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/153

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se laisse-t-elle entraîner dès qu’elle est empêchée quelque peu d’être bête de l’action !… Tout cela est intéressant à l’extrême, mais, à trop longtemps regarder dans cet abîme, on se sent envahi par une tristesse poignante, et énervante, c’est pourquoi il faut s’arracher avec violence à ce spectacle. Il n’est pas douteux que nous ne nous trouvions en présence d’une maladie, la plus terrible qui ait jamais sévi parmi les hommes : — et celui qui est encore capable d’entendre (mais de nos jours on n’a plus d’oreilles pour entendre où il faudrait — ), d’entendre retentir dans cette nuit de torture et d’absurdité, le cri d’amour, le cri de l’extase, enflammé de désir, le cri de la rédemption par l’amour, celui-là se retournera saisi d’une invincible horreur… En l’homme il y a tant de choses effroyables ! — Trop longtemps la terre fut un asile d’aliénés !…

23.

Ceci suffira, une fois pour toutes, sur l’origine du « Dieu saint ». — Mais, par elle-même, la conception des dieux n’entraîne pas nécessairement cet abaissement de l’imagination que nous n’avons pu nous dispenser de reconstituer pour un instant ; il y a des façons plus nobles d’utiliser la fiction des