Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/182

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m’est né, une entrave est forgée pour moi » (Râhoula signifie ici « un petit démon ») ; pour tout « esprit libre » devrait venir une heure de réflexion, à supposer qu’auparavant il ait eu une heure irréfléchie, une heure telle que le même Bouddha en vécut une. — « Étroitement bornée, se dit-il, est la vie à la maison, séjour d’impureté ; la liberté est dans l’abandon de la maison » : « et, pénétré de cette idée, il abandonna la maison. » Dans l’idéal ascétique tant de portes sont ouvertes vers l’indépendance qu’un philosophe ne peut entendre, sans une vive allégresse et sans approbation intérieure, l’histoire de ces hommes résolus qui un jour opposèrent leur négation à toute servitude et s’en allèrent dans quelque désert : en admettant même que ce ne furent là que des âmes très fortes et non point des esprits forts. Quel sens faut-il donc attacher à l’idéal ascétique chez un philosophe ? Voici ma réponse — on l’aura d’ailleurs devinée depuis longtemps : à son aspect le philosophe sourit, comme à un optimum des conditions nécessaires à la spiritualisation la plus haute et la plus hardie, — par là il ne nie pas « l’existence », il affirme au contraire son existence à lui, et seulement son existence, au point qu’il n’est peut-être pas éloigné de ce vœu criminel : pereat