Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mundus, fiat philosophia, fiat philosophus fiam !…

8.

On le voit, ce ne sont point des témoins et des juges incorruptibles dans l’examen de la valeur de l’idéal ascétique, ces philosophes ! Ils pensent à eux-mêmes, — que leur importe « le saint » ! Ils pensent en outre à ce qui leur est le plus indispensable : être délivrés de la contrainte, du dérangement, du bruit, des affaires, des devoirs, des soucis ; avoir l’esprit lucide ; la danse, le ressort, le vol dans les idées ; un air pur, léger, clair, libre, sec, comme celui qu’on respire sur les hauteurs où toute animalité devient plus spirituelle et prend des ailes ; le silence dans toutes les choses souterraines ; tous les chiens bien attachés à la chaîne ; ni aboiement hostile ni rancune aux pattes lourdes ; aucun ver rongeur de l’orgueil blessé ; des entrailles modestes et soumises, obéissantes comme les rouages d’un moulin, mais qu’il n’en soit pas question ; le cœur étranger, lointain, futur, posthume, — en résumé, par l’idéal ascétique, ils entendent l’ascétisme joyeux d’un animal qui s’est divinisé, s’est envolé de son nid, et va voltigeant au-dessus de la vie