Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/187

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peut-être « enrhumé » du cerveau à force de penser ? Ce serait possible — qu’on interroge les physiologistes —, mais celui qui pense au moyen des mots pense en orateur et non en penseur (il trahit qu’au fond il n’imagine pas des objets, il ne pense pas objectivement, mais seulement les rapports qu’il y a avec les objets, ainsi lui-même, — il n’imagine que lui-même et ses auditeurs). Voyez cet autre encore, son langage est insinuant, il s’approche de nous de trop près, son haleine nous effleure — involontairement nous fermons la bouche, quoique ce soit par l’intermédiaire d’un livre qu’il nous parle : le timbre de son style nous donne l’explication que nous cherchions : — il n’a pas le temps, il n’a guère foi en lui-même, et s’il ne parle pas aujourd’hui, il ne parlera jamais. Mais un esprit qui est certain de lui-même parle doucement, il cherche l’obscurité, il se laisse attendre. On reconnaît le philosophe à ce qu’il évite trois choses brillantes et bruyantes : la gloire, les princes et les femmes, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne viennent pas à lui. Il fuit la lumière trop vive : aussi fuit-il son temps et le « jour » qu’il répand. En cela, il est comme une ombre : plus le soleil s’abaisse, plus l’ombre grandit. Quant à son « humilité », il s’accommode aussi, comme il s’ac-