Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/234

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sance ponctuelle et passive, l’habitude prise une fois pour toutes, l’emploi complet du temps, une certaine discipline permise et voulue d’« impersonnalité », d’oubli de soi, d’« incuria sui » — : combien radicalement et délicatement le prêtre ascétique a su employer tout cela dans la lutte contre la douleur ! Quand il avait affaire à des patients des classes inférieures, à des ouvriers esclaves, à des prisonniers (ou bien à des femmes qui, le plus souvent, sont à la fois ouvrières, esclaves et prisonnières), il ne fallait guère plus qu’une certaine habileté dans le changement des noms, un nouveau baptême, pour que les choses détestées apparussent désormais comme des bienfaits, comme un bonheur relatif : — le mécontentement de l’esclave en face de son sort n’a certes pas été inventé par les prêtres. — Un moyen plus apprécié encore dans la lutte avec la dépression c’est l’organisation d’une petite joie facilement accessible et qui peut passer à l’état de règle ; on se sert souvent de cette médication concurremment avec la précédente. La forme la plus fréquente sous laquelle la joie est ordonnée comme remède est la joie de dispenser la joie (tels les bienfaits, présents, allégements, aides, encouragements, consolations, louanges, distinctions),