Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/55

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11.

Nous ne rencontrons donc ici que des procédés opposés à ceux de l’homme noble qui, après avoir conçu spontanément et par anticipation, c’est-à-dire tiré de son propre « moi », l’idée fondamentale de « bon », n’arrive à créer la conception du « mauvais » qu’en partant de cette idée. Ces deux termes, ce « mauvais » d’origine aristocratique et ce « méchant » distillé dans l’alambic de la haine insatiable — le premier une création postérieure, un accessoire, une nuance complémentaire, le second, au contraire, l’idée originale, le commencement, l’acte par excellence dans la conception d’une morale des esclaves — quel contraste n’offrent-ils pas, ces deux termes « mauvais » et « méchant », tous deux opposés en apparence au concept unique : « bon ». Mais le concept « bon » n’est pas unique ; pour s’en convaincre qu’on se demande plutôt ce qu’est en réalité le « méchant » au sens de la morale du ressentiment. La réponse rigoureusement exacte, la voici : ce méchant est précisément le « bon » de l’autre morale, c’est l’aristocrate, le puissant, le dominateur, mais noirci, vu et pris à rebours par