Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/89

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et indomptable volonté, trouve dans cette possession son étalon de valeur : en se basant sur lui-même pour juger les autres, il vénère ou méprise ; et de même qu’il honore fatalement ceux qui lui ressemblent, les forts sur qui on peut compter (ceux qui peuvent promettre), — donc chacun de ceux qui promettent en souverain, difficilement, rarement, après mûre réflexion, de ceux qui sont avares de leur confiance, qui honorent lorsqu’ils se confient, qui donnent leur parole comme quelque chose sur quoi l’on peut tabler, puisqu’il se sent assez fort pour pouvoir la tenir en dépit de tout, même des accidents, même de la « destinée » — ; de même il sera fatalement prêt à chasser d’un coup de pied les misérables roquets qui promettent, alors que la promesse n’est pas de leur domaine, à battre de verges le menteur déjà parjure au moment où la parole passe sur ses lèvres. La fière connaissance du privilège extraordinaire de la responsabilité, la conscience de cette rare liberté, de cette puissance sur lui-même et sur le destin, a pénétré chez lui jusqu’aux profondeurs les plus intimes, pour passer à l’état d’instinct, d’instinct dominant : — comment l’appellera-t-il, cet instinct dominant, à supposer qu’il ressente le besoin