Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/133

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re : on a enseigné la vertu, le désintéressement, la pitié, ou même la négation de la vie. Tout cela sont les valeurs des épuisés.

Une longue réflexion touchant la physiologie de l’épuisement me força à poser la question : Jusqu’où les jugements des épuisés ont-ils pénétré dans le monde des valeurs  ?

Le résultat auquel je suis arrivé fut aussi surprenant que possible, même pour moi, qui me sentis familier déjà dans bien des mondes étranges : j’ai trouvé que l’on pouvait ramener tous les jugements supérieurs, tous ceux qui se sont rendus maîtres de l’" humanité " de l’humanité domestiquée du moins, à des jugements d’épuisés.

Derrière les noms les plus sacrés j’ai trouvé les tendances les plus destructrices ; on a appelé Dieu ce qui affaiblit, ce qui enseigne la faiblesse, ce qui infecte de faiblesse… j’ai trouvé que l’" homme bon " était une auto-affirmation de la décadence. Cette vertu, dont Schopenhauer enseignait encore qu’elle est la vertu supérieure et unique, le fondement de toutes les vertus : cette pitié, j’ai reconnu qu’elle était plus dangereuse que n’importe quel vice. Entraver par principe le choix dans l’espèce, la purification de celle-ci de tous les déchets — c’est ce qui fut appelé jusqu’à présent vertu par excellence…

Il faut garder en honneur la fatalité : la fatalité qui dit aux faibles " disparais  ! "…