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sur la femme que les hommes ; pour eux la femelle est la créature productive. Chez eux il n’y a pas d’amour paternel, mais quelque chose comme de l’affection pour les enfants d’une maîtresse et l’habitude qu’on en prend. Pour les femelles les enfants satisfont un désir de dominer, ils sont pour elles une propriété, une occupation, quelque chose qu’elles comprennent entièrement et avec quoi on peut s’entretenir : tout cela réuni est de l’amour maternel, — il est comparable à l’amour de l’artiste pour son œuvre. La grossesse a rendu les femmes plus douces, plus patientes, plus craintives, plus soumises ; de même la grossesse intellectuelle engendre le caractère des esprits contemplatifs, qui est parent du caractère féminin : — ceux-ci sont les mères masculines. — Chez les animaux, le sexe masculin est considéré comme beau sexe.

73.

Cruauté sacrée. — Un homme qui tenait dans ses mains un enfant nouveau-né s’approcha d’un saint. « Que dois-je faire de l’enfant ? demanda-t-il, il est misérable, malvenu et n’a pas assez de vie pour mourir. » — « Tue-le ! s’écria le saint d’une voix terrible, tue-le et garde-le pendant trois jours et trois nuits entre tes bras, afin de te créer une mémoire : — de la sorte jamais plus tu n’engendreras d’enfant, quand pour toi le moment d’engendrer ne sera pas venu. » — Lorsque l’homme eut entendu cela il s’en alla désappointé ; et il y en eut beaucoup qui blâmèrent le saint parce qu’il avait