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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/178

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tion et nous avons laissé ronger le ver si profondément que maintenant, à la lecture des livres chrétiens, nous éprouvons le même sentiment de fine supériorité et de connaissance de cause : — nous connaissons aussi mieux les sentiments religieux ! Et il est temps de les bien connaître et de les bien décrire, car les croyants de l’ancienne foi tendent eux aussi à disparaître : — sauvons du moins leur image et leur type pour la connaissance.

123.

La connaissance est plus qu’un moyen. — Même sans cette nouvelle passion — j’entends la passion de la connaissance — la science progresserait : jusqu’à présent elle s’est accrue et est devenue grande sans celle-ci. La bonne foi en la science, le préjugé en sa faveur, dont nos États sont maintenant dominés (autrefois c’était même l’Église), repose au fond sur ce fait que très rarement ce penchant irrésistible s’est révélé en elle et qu’en somme la science n’est pas considérée comme une passion, mais bien plutôt comme une condition et un « ethos ». Oui, parfois suffit déjà l’amour-plaisir de la connaissance (curiosité), il suffit de l’amour-vanité, de l’habitude de la science avec l’arrière-pensée d’honneurs et de sécurité matérielle, il suffit même, pour beaucoup, qu’ils ne sachent pas que faire du temps qu’ils ont à perdre et qu’ils l’emploient à lire, à collectionner, à classer, à observer, à raconter ; leur « penchant scientifique » n’est pas autre chose que de l’ennui. Le pape Léon X avait une fois chanté