Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus restreint : « où l’on a agi, on a voulu », « on ne peut agir que sur des êtres voulant », « il n’y a pas de subissement, pur et sans effet, d’une cause ; tout subissement est une excitation de la volonté » (de la volonté d’action, de défense, de vengeance, de représailles), — mais, dans les temps primitifs de l’humanité, ces principes étaient identiques, les premiers n’étaient pas les généralisations des seconds, mais les seconds des interprétations des premiers. — Schopenhauer, avec sa supposition que tout ce qui est est d’essence voulante, a élevé sur le trône une antique mythologie ; il ne semble jamais avoir tenté d’analyse de la volonté, puisqu’il croyait à la simplicité et à l’immédiateté du vouloir, comme tout le monde : — tandis que vouloir n’est qu’un mécanisme si bien mis en jeu qu’il échappe presque à l’œil observateur. En opposition avec Schopenhauer, je pose ces principes : Premièrement, pour qu’il y ait volonté, une représentation de plaisir et de déplaisir est nécessaire. En second lieu : qu’une violente irritation produise une sensation de plaisir ou de déplaisir, c’est affaire de l’intellect interprétateur ; une même irritation peut recevoir une interprétation de plaisir ou de déplaisir. En troisième lieu : il n’y a que chez les êtres intellectuels qu’il y a plaisir, déplaisir et volonté ; l’énorme majorité des organismes n’en éprouve rien.

128.

La valeur de la prière. — La prière a été inventée pour les hommes qui, par eux-mêmes, n’ont jamais