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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/236

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croiser, peut-être, et célébrer une fête ensemble, comme nous l’avons déjà fait, — et ces braves vaisseaux étaient si tranquilles dans le même port, sous un même soleil, de sorte que déjà on pouvait les croire à leur but, croire qu’ils n’avaient eu qu’un seul but commun. Mais alors la force toute puissante de notre tâche nous a séparés, poussés dans des mers différentes, sous d’autres rayons de soleil, et peut-être ne nous reverrons-nous plus jamais, — peut-être aussi nous reverrons-nous, mais ne nous recon­naîtrons-nous point : la séparation des mers et des soleils nous a transformés ! Qu’il fallût que nous devenions étrangers, voici la loi au-dessus de nous et c’est par quoi nous nous devons du respect, par quoi sera sanctifié davantage encore le souvenir de notre amitié de jadis ! Il existe probablement une énorme courbe invisible, une route stellaire, où nos voies et nos buts différents se trouvent inscrits comme de petites étapes, — élevons-nous à cette pensée ! Mais notre vie est trop courte et notre vue trop faible pour que nous puissions être plus que des amis dans le sens de cette altière possibilité ! — Et ainsi nous voulons croire à notre amitié d’étoiles, même s’il faut que nous soyons ennemis sur la terre.

280.

Architecture pour ceux qui cherchent la connaissance. — Il faudra reconnaître un jour, et bientôt peut-être, ce qui manque à nos grandes villes : des endroits silencieux, spacieux et vastes pour la