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méditation, des endroits avec de hautes et de longues galeries pour le mauvais temps et le temps trop ensoleillé, où le bruit des voitures et le cri des marchands ne pénétreraient pas, où une subtile convenance interdirait, même au prêtre, la prière à haute voix : des constructions et des promenades qui exprimeraient, par leur ensemble, ce que la méditation et l’éloignement du monde ont de sublime. Le temps est passé où l’Église possédait le monopole de la réflexion, où la vita contemplativa devait toujours être avant tout vita religiosa : et tout ce que l’Église a construit exprime cette pensée. Je ne sais pas comment nous pourrions nous contenter de ses monuments, même s’ils étaient dégagés de leur destination ecclésiastique : les monuments de l’Église parlent un langage beaucoup trop pathétique et trop étroit, ils sont trop les maisons de Dieu et les lieux d’apparat des relations supra-terrestres pour que, nous autres impies, nous puissions y méditer nos pensées. Nous voulons nous traduire nous-mêmes en pierres et en plantes, nous voulons nous promener en nous-mêmes, lorsque nous circulons dans ces galeries et ces jardins.

281.

Savoir trouver la fin. — Les maîtres de première qualité se reconnaissent en cela que, pour ce qui est grand comme pour ce qui est petit, ils savent trouver la fin d’une façon parfaite, que ce soit la fin d’une mélodie ou d’une pensée, que ce soit le cinquième acte d’une tragédie ou d’un acte de gou-