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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/250

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autres rivaux des rayons de lumière, si nous aimerions mieux, pareils à ces rayons, chevaucher des parcelles d’éther, non pour quitter le soleil, mais pour aller vers lui ! Nous ne le pouvons pas : — faisons donc ce qui est seul en notre pouvoir : apportons la lumière à la terre, soyons « la lumière de la terre » ! Et c’est pour cela que nous avons nos ailes, notre rapidité et notre sévérité, pour cela que nous sommes virils et mêmes terribles comme le feu. Que ceux-là nous craignent qui ne savent pas se chauffer et s’éclairer auprès de nous !

294.

Contre les calomniateurs de la nature. — Quels gens désagréables que ceux chez qui tout penchant naturel devient immédiatement maladie, quelque chose qui altère, ou même quelque chose d’ignominieux, — ceux-ci nous ont induits à l’opinion que les penchants et les instincts de l’homme sont mauvais, ils sont la cause de notre grande injustice à l’égard de notre nature, à l’égard de toute nature ! Il y a suffisamment d’hommes qui peuvent s’abandonner à leurs penchants avec grâce et inconscience ; mais ils ne le font pas, par crainte de ce « mauvais esprit » imaginaire qui s’appelle la nature ! De là vient que l’on trouve si peu de noblesse parmi les hommes : car l’on reconnaîtra toujours la noblesse à l’absence de crainte devant soi-même, à l’incapacité de faire quelque chose de honteux, au besoin de s’élever dans les airs sans hésitation, de voler où nous sommes poussés, —